Si vous avez découverts leurs disques à la fin des années 80 (et même après, quand on trouvait encore leurs skeuds à un prix décent), vous conservez forcément un souvenir ému de certaines de leurs chansons. Si vous avez vu le groupe en concert, ce souvenir est sans doute un peu plus marqué (et ce quelle que soit la tenue scénique du groupe d’ailleurs, bonne ou mauvaise). Souvent associés / comparés à Parabellum (même label -Gougnaf-, même parolier -Géant Vert-, même style -punk rock- et même esprit contestataire -humour noir et verve piquante pour causer des sujets du quotidien-), avouons néanmoins que Les Rats était un groupe de jeunes banlieusards branleurs pour qui le rock était un échappatoire, pas une vocation, ni un plan de carrière. D'ailleurs, ils écrivent la majorité de leurs textes et s’en tirent fort bien avec des paroles directes, sans fioritures — encore que non dépourvues de cynisme — qui collent parfaitement à leur musique et à leurs personnalités.
Téquila a tous les défauts d’un premier album. Mais malgré la maigre production et la technique limitée des musiciens, Téquila est un album marquant. Et résolument punk. Parce que frais, juvénile, imparfait, mordant. Et surtout représentatif d’une époque, d’un sentiment et d’un ressenti. “Les Rats réussissent à parler de la rue mieux que quiconque, ça sonne vrai et puissant”, écrivait le zine Street Zine en 1988. En chantant comme personne le quotidien morne des jeunes, l’ennui mortel ressenti par une génération, l’impression d’être abandonné par la société (sujet récurrent dans le rock’n’roll, n’est-ce pas ?), Les Rats devenaient (bien malgré eux) le porte-voix d’un public. Ils n’apportaient aucune solution, ne montraient aucune sortie de secours, mais entendre et chanter avec eux “Poubelle Trouve Un Job”, “Les Jeunes Loups”, “C’est Des Bobards” faisait du bien.
[texte de Frank Violence, remanié pour l'occasion]