KORTATU El Estados De Las Cosas LP
KORTATU
Pays basque espagnol, années 80, la situation politique et économique est plus que chaude : crise industrielle, franquisme pas digéré, torture dans les commissariats, groupes para-policiers montés par le nouveau pouvoir socialiste pour éliminer les militants indépendantistes. Face à cela, les luttes indépendantistes, anti fascistes, anti carcérales, autonomes, écologistes, féministes... se développent et construisent des contre-pouvoirs au capitalisme autoritaire espagnol. Des squats et locaux autogérés (les gaztexte, littéralement «maison des jeunes») se montent dans chaque quartier un tant soit peu animé des centres et des périphéries urbaines, jusque dans de nombreux villages des zones les plus montagneuses.
C'est sur cette toile de fond que se crée le groupe Kortatu, en 1983. Né à Irun, ville frontière, il va devenir la figure de proue de la scène appelée « rock radical basque », et qui a composé la bande son des révoltes de toute une génération. Pendant 6 années, Fermin (guitare, chant) Inigo (basse) et Treku (batterie) ont livré une musique âpre, sans concession, tout à la fois revendicative et festive. Ils ont écumé les bars, fêtes de villages, concerts de soutien, festivals, et même parvis de prison, du pays basque. Les concerts de Kortatu étaient des événements, qui, même annoncés quelques heures avant, pouvaient rameuter des centaines de personnes prêtent à faire la fête sans poser leur cerveau à l'entrée (Besta baï, borroka ere baï, « la fête oui, la lutte aussi ») !
Ambassadeurs du combat pour l'émancipation d'Euskal Herria, ils ont joué leur punk mêlé de ska sur les routes de l'Europe continentale, toujours portés par un esprit clairement internationaliste et anti-autoritaire. Ils ont partagé les scènes françaises avec Ludwig Von 88, les Brigades, Bérurier Noir, Nuclear Device, PPI, Dirty District, etc...
Leurs textes, comme ceux des Clash et des Bérus, constituent des chroniques du quotidien comme des appels à la révolte. Plus que jamais d'actualité !
Les membres de Kortatu ont prolongé cet esprit sous des formes musicales variées, intégrant le hardcore, le rap, le reggae, les rythmes latinos, dans des groupes comme Negu Gorriak, Joxe Ripiau, Sagarroi, ou dans divers projets solo, toujours percutants. Ils ont aussi monté le label Esan Ozenki, devenu Metak, pour promouvoir une vision libre et indépendante de la création musicale.
Album
1er véritable album après diverses participations à des compilations, cet album éponyme sorti en 1985 pose en termes très clairs le projet Kortatu : l'engagement frontal, parfois sarcastique, combiné à une musique hargneuse mais aux tournures parfois festives. Si des cuivres parsèment l'album, on reste néanmoins bien loin d'un « rock à trompette » : du punk mâtiné de ska, clairement influencé par la scène anglaise, en premier lieu par The Clash (la reprise de Jimmy Jazz avec textes adaptés en castillan est savoureuse), mais aussi The Specials, dont le génial It Doesn't Make It Alright est repris dans le 45t A La Calle sorti quelques mois plus tard.
3 titres sont restés des hymnes outre-Pyrénées et en Amérique latine. Le premier, Nicaragua Sandinista, est, sous forme de ska latino endiablé, un appel à la solidarité avec les guérillas anti impérialistes d'Amérique latine. Sarri Sarri, le deuxième, également sous forme de ska frénétique (reprise accélérée de Chatty Chatty de Toots and the Maytals), conte l'évasion de deux militants de l'ETA (dont le poète et philosophe Sarrionandia) de la prison de Martutene, dans les caissons de baffles du chanteur folk Imanol Larzabal. Les membres de Kortatu ont été suspectés d'avoir participé à cette opération, puisqu'il avaient joué sur les lieux peu de temps auparavant avant. Enfin, le troisième titre, Zu Atrapatu Arte, est largement connu puisqu'il a été repris un nombre incalculable de fois par des groupes du monde entier. En 1'30, dans un style plus hardcore, c'est une rouste à la face du conformisme bourgeois.
A côté de ça, plusieurs morceaux pour dénoncer les flics, la justice et les groupes paramilitaires « anti-terroristes » montés par le PS espagnol dans les années 80. Des morceaux plus légers influencés par la BD de Crumb. Et 2 morceaux reggae bien sentis , Tatuado et Desmond Tutu. Rien à jeter !